À l’approche des fêtes, l’association Dons Solidaires dévoile la 6ème édition de son baromètre « Le renoncement à l’achat de cadeaux de Noël, un marqueur de précarité », réalisé avec l’IFOP. Une étude annuelle devenue une référence pour comprendre comment les familles françaises, notamment les plus vulnérables, vivent cette période présentée comme magique, mais qui peut aussi être un moment de tension financière et émotionnelle.
Un recul du sentiment d’insécurité économique, mais une fragilité durable
Le phénomène d’habituation psychologique, une perception trompeuse
Après deux années marquées par une inflation historique, l’année 2025 semble montrer des signes d’accalmie. Au regard des chiffres, les Français semblent moins inquiets que les années précédentes en ce qui concerne leur situation financière :
- 44 % des Français disent craindre de ne pas boucler leur mois, contre 49% en 2024 et 57 % en 2023.
- 39 % redoutent un basculement dans la pauvreté, contre 41% en 2024.
- 22 % déclarent rencontrer souvent des difficultés financières (–5 points par rapport à 2023).
Mais cette amélioration reste très relative. D’une part, elle s’explique par la stabilisation de l’inflation, soit concrètement des prix qui cessent leur progression sans pour autant retrouver les niveaux d’avant la crise. D’autre part, elle est marquée par un phénomène « d’habituation psychologique », parfaitement expliqué par l’institut de sondage :
Le regard de l'IFOP
On observe un phénomène d'habituation psychologique bien documenté en économie comportementale : face à un choc de prix durable, les ménages finissent par intégrer les nouveaux niveaux de prix comme une "nouvelle normalité". Ce qui paraissait insupportable en 2022 devient progressivement le standard de référence. L'anxiété immédiate se dissipe, non parce que la situation s'améliore objectivement, mais parce qu'elle cesse d'être perçue comme exceptionnelle. Pour autant, qualifier cette évolution de "retour à la normale" serait trompeur.
Les niveaux de précarité perçues restent très élevés : près d'un Français sur deux craint toujours de ne pas boucler ses fins de mois, et deux sur cinq redoutent un basculement dans la pauvreté.
Des disparités sociales majeures : les familles monoparentales et les catégories populaires toujours en première ligne
Si une amélioration globale est perceptible, elle cache surtout de fortes inégalités :
- 64 % des familles monoparentales craignent de basculer dans la pauvreté (+25 pts par rapport à la moyenne).
- 54 % des catégories populaires partagent la même inquiétude.
- Près de 3 parents sur 4 pensent que leurs enfants auront une vie plus difficile que la leur.
Le constat reste toujours le même : les crises impactent plus durement les publics déjà vulnérables. Et lorsque les premiers signes d’accalmie se font sentir, ils sont loin à en ressentir les effets. Et ce constat va bien au-delà des considérations que soulèvent la période des fêtes.
Annie, 52 ans, a connu le sentiment de déclassement puisqu’à la suite d’un cancer, elle a perdu son travail et n’a pas réussi à remonter la pente. Elle est mère seule de deux enfants de 20 et 15 ans. Aujourd’hui elle vit avec le RSA et se confie « la vie est dure ». Pour Noël, « on ne fait pas grand-chose avec notre budget ni pour le repas ni pour les cadeaux. Mes enfants sont habitués donc ils ne réclament pas ». Sa fille démarre un service civique « elle va toucher 500€, elle me donnera 200€, il n’y a pas le choix, on est toujours à découvert ». Ces difficultés ont un impact fort sur son moral « c’est très difficile… on ne dort plus la nuit ».
Noël reste un moment de joie… mais pas pour tous : le poids de la précarité entache ce moment festif
Si pour 66 % des Français, les fêtes sont synonymes de réjouissance et de festivité, de nombreux indicateurs montrent une expérience profondément divisée :
- 28 % des Français appréhendent Noël
- 25 % en sont attristés
- 33 % restent indifférents
Sophie, 59 ans, en reconversion professionnelle suite à des soucis de santé et des licenciements économiques vit seule avec sa fille de 25 ans. Elle se livre : « depuis le décès de mon mari durant la période des fêtes il y a une dizaine d’années, on ne fait plus grand-chose ». Sa situation financière est compliquée « pas moyen de mettre des sous de côtés, on vit à coup de privations, on ne part pas en vacances, donc on ne fait pas de cadeaux pour Noël. Heureusement ma fille ne réclame pas, ça fait longtemps qu’elle a compris ».
Face à la conjoncture économique et sociale actuelle, les fêtes provoquent pour beaucoup un sentiment d’exclusion, en particulier chez les personnes en difficulté.
Deux formes de précarité à Noël : matérielle et isolement social
A l’approche des fêtes, deux craintes semblent prédominer :
- La précarité matérielle : ne pas pouvoir offrir de cadeaux.
Une crainte partagée par près d’1 Français sur 3 (33%) mais qui explose dans les foyers les plus vulnérables. 1 famille monoparentale sur deux, ou encore 46% des catégories pauvres partagent cette crainte contre seulement 9% des hauts revenus.
- L'isolement social : la peur d’être seul.
1 Français sur 5 s’inquiète de passer Noël seul. Une solitude d’autant plus douloureuse pendant les fêtes, période où la norme sociale valorise la famille et la convivialité.
À l’inverse, 35 % des Français n’appréhendent rien de particulier, un chiffre qui semble anodin mais qui illustre une véritable fracture sociale : 56 % chez les hauts revenus ont l’esprit tranquille, mais seulement 10 % des personnes en grande difficulté financière.
Renoncer aux cadeaux de Noël : un tiers des parents concernés
Le baromètre 2025 montre une baisse progressive des renoncements : 37 % des parents renoncent totalement ou partiellement aux cadeaux, contre 47 % en 2022.
Une amélioration réelle corrélée à une pression budgétaire en baisse… mais qui reste fragile. Le renoncement reste massif dans les foyers précaires : 54 % dans les catégories pauvres ou encore 64 % chez ceux qui rencontrent souvent des difficultés. Chez les plus aisés en revanche, il est marginal : seulement 6 % des hauts revenus.
Dans le contexte de Noël, la pression symbolique est particulièrement intense. Pour de nombreux parents, ne pas pouvoir offrir de cadeaux ne relève pas seulement d’une contrainte économique : c’est perçu comme la « goutte de trop » dans un quotidien déjà dominé par un sentiment de vulnérabilité.
Alors, pour financer malgré tous les cadeaux, près d’un parent sur deux (49 %) déclare se priver d’autres dépenses, une proportion stable depuis 2024.
Les sacrifices concernent surtout :
- les sorties (36 %)
- les vacances (21 %)
- les vêtements (12 %)
- le mobilier (12 %)
Le regard de l'IFOP
Cette donnée révèle une réalité fondamentale : le budget de Noël ne s'ajoute pas aux dépenses ordinaires, il s'y substitue. Pour financer les cadeaux, on rogne ailleurs. Les parents ne disposent pas d'une marge de manœuvre supplémentaire : ils redistribuent une enveloppe contrainte.
La logique est claire : les parents se mettent en dernier dans la hiérarchie des besoins, pour préserver autant que possible la magie de Noël pour leurs enfants.
Inès, 40 ans, mère de quatre filles, cherche un emploi depuis trois ans après un congé parental. Elle décrit les fêtes de fin d’année comme une période difficile : « c’est une frustration pour nos enfants, qu’on ressent à travers eux… les magasins sont décorés très tôt, ça donne envie. Il y a certains jouets, mes filles regardent les prix et elles se calment d’elles-mêmes ». Inès se prive souvent pour ses enfants : « ce qui leur fait plaisir me fait plaisir […] l’enfance c’est important. Les enfants ne doivent pas connaître les soucis, ils doivent vivre ce qu’ils ont à vivre et nous on gère à côté ».
Dans les foyers les plus précaires, les arbitrages deviennent alarmants et touchent à l’essentiel :
- 15 % réduisent leur budget alimentaire,
- 9 % le chauffage,
- 6 % le carburant.
Le regard de l'IFOP
Ces proportions, bien que minoritaires, révèlent des situations de précarité extrême où la pression symbolique à "faire Noël" entre en conflit direct avec la satisfaction de besoins vitaux.
La charge psychologique invisible : honte, culpabilité et pression parentale
Au-delà des difficultés financières, l’étude révèle une dimension peu soulevée de la précarité à Noël : la souffrance émotionnelle.
Parmi les parents qui adaptent les cadeaux, 55 % ressentent de la honte ou de la culpabilité. Ce sentiment grimpe à 85 % chez les parents en grande difficulté, 75 % chez les mères célibataires et 74 % chez les travailleurs pauvres.
Un sentiment fort particulièrement corrélé aux difficultés économiques réelles. En effet, cette culpabilité devient minoritaire chez les catégories aisées (19%) et les hauts revenus.
Les fêtes de fin d’année : un révélateur puissant des inégalités sociales
Le baromètre 2025 « Le renoncement à l’achat de cadeaux de Noël, un marqueur de précarité » révèle une tendance en légère amélioration, portée par la stabilisation de l’inflation. Mais derrière ce semblant d'accalmie, une réalité demeure : Noël reste un révélateur brutal des inégalités. Entre ceux qui peuvent célébrer sans se soucier et ceux pour qui offrir un cadeau devient un véritable défi, voir un sacrifice.
Les écarts apparaissent à tous les niveaux : dans les comportements d’achat, dans les arbitrages du quotidien, et jusque dans les émotions les plus intimes, marquées par la culpabilité, la honte ou la solitude.
Depuis 15 ans, Dons Solidaires mène l’opération « Noël pour Tous » pour que la magie des fêtes ne soit pas un privilège. L’an dernier, grâce à votre solidarité, plus d’1,3 million de cadeaux ont été distribués partout en France via 600 associations partenaires.
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